Films en ligne / Focus

La parole aux technicien.nes #2 Le montage (2e partie)

Créer un film, c'est mettre en forme la vision d'un.e réalisateur.rice. Et au service de cette vision, c'est toute une équipe de technicien.nes et d'artistes. Aujourd'hui, le GREC choisit de donner la parole aux monteur.euse.s, en les laissant témoigner de leur travail sur quatre films :

Après le rouge de Marie Sizorn, montage : Tomas Cali
La canicule de Tyliann Tondeur-Grozdanovitch, montage : Ludovic Blasco et Tyliann Tondeur-Grozdanovitch
Antonio, lindo Antonio de Ana-Maria Gomes, montage : Suzana Pedro
Derrière la table vide de Vincent Farasse, montage : Léa Chatauret


Après le rouge de Marie Sizorn, montage : Tomas Cali
"Après le Rouge est un film où le récit a été trouvé au cours du processus de montage. Après avoir examiné attentivement les rushes, nous avons choisi de montrer seulement trois des six personnages initialement filmés, lorsque nous avons réalisé que ces personnes avaient un regard plus particulier sur l'incendie. Et à partir de cette sélection, nous avons découvert que le film ne parlait pas seulement des incendies vécus dans ce village en Corse, mais plutôt de la mémoire d'un traumatisme collectif. Il parle davantage des cendres, ce qu'il reste du feu, plutôt que du feu lui-même. Ce fut un travail très intéressant, où la réalisatrice, Marie Sizorn, était très ouverte à repenser le film dans son ensemble. Cette découverte, que le film parlait essentiellement de mémoire, nous a aidé à donner un sens au livre que Marie a élaboré avec les photos prises par Caroline, une habitante du village, le jour de l'incendie. Ces images contribuent à fabriquer cette mémoire, accompagnées des témoignages des protagonistes."


La canicule de Tyliann Tondeur-Grozdanovitch, montage : Ludovic Blasco et Tyliann Tondeur-Grozdanovitch
Ludovic Blasco : "Je pense qu’avec Tyliann, au moment où il écrivait le scénario, nous réfléchissions, sans le conscientiser, au montage. Le rythme et les coupes faisaient déjà partie de son processus d'écriture. Au moment du montage, je connaissais donc assez bien le scénario. J’ai pour habitude, avant de recevoir les rushes, de lire deux ou trois fois le scénario, d’analyser des moments ou gestes que je juge clés, des potentielles difficultés, de m’imprégner du rythme du film. Après, je le range et on ne s’en sert plus : c’est ce qui a été filmé qui fait foi selon moi. À partir de là, il s’agit de naviguer entre les intentions du réalisateur et les intentions du film, qui ne sont pas toujours alignées. J’ai eu la chance, avec Tyliann, de travailler avec un réalisateur qui est aussi un excellent monteur, et au-delà des liens d’amitié, nous avons assez rapidement trouvé un langage commun et une confiance mutuelle. Si bien que, au fur et à mesure du montage, qui se composait essentiellement de longues discussions, les rôles se sont brouillés. J’ai pu laisser la main à Tyliann sur le montage, afin qu’ils fassent des propositions, comme si les rôles s’inversaient parfois. L’idée qui nous guidait, c’était de faire advenir la sensibilité qui sous-tendait le personnage principal dans un monde très masculin et autour d’un deuil tabou. Il s’agissait de la faire jaillir sans que rien ne soit jamais dit."
Tyliann Tondeur-Grozdanovitch : "Après la deuxième version de montage, Ludovic avait besoin de recul et moi j'avais besoin de trouver le rythme, la musicalité du film. Nos rôles s'inversaient. J'ai pris la main sur le montage pour peaufiner la sensation globale. J’essayais de questionner le film comme une musique, avec ses mouvements, ses points et contre-points. Quand a-t-on besoin de voir le regard du père ? Et celui du frère ? Combien de temps ? C'était comme orchestrer les silences tout en avançant dans l’histoire... Finalement, c’était ce qu’on entendait et ce qu’on voulait faire entendre du hors-champ qui guidait souvent la durée des plans, plutôt que ce que l’on voyait. Le rythme s’est alors progressivement dessiné, à force de discussions et d’intuitions, à l’image de ce plan de la télévision que j’ai utilisé quatre fois en boucle pour lui donner la durée qui nous semblait juste."


Antonio, lindo Antonio de Ana-Maria Gomes, montage : Suzana Pedro
"Antonio, lindo Antonio est le premier film sur lequel j’ai collaboré avec Ana-Maria Gomes. J’ai été intéressée par ses questionnements autour de la quête d’un oncle disparu.
Le travail s’est articulé autour de la matière parlée qui fait le portrait en creux de cet oncle disparu à travers le regard et les projections de ses proches, notamment sa grand-mère. Le film fait également le portrait de cette femme et du lien qui la relie à son fils.
La matière filmée est dense car Ana-Maria explore beaucoup de pistes afin de donner une densité à son propos, en donnant à voir des entretiens, des moments du quotidien dans cette région aride du Portugal.
A nous alors de trouver le fil narratif qui fasse à la fois le portrait de ses personnages, de cette région, ainsi que de cet oncle. Ce qui m’a semblé un enjeu intéressant et une part de notre travail, est que l’énigme de l’oncle disparu n’est pas une fin en soi, le montage articule une parole morcelée, lacunaire qui nourrit alors un fantasme. La question est davantage la façon dont Antonio existe là où il n’est pas.
Le montage articule également une matière narrative travaillée par Ana-Maria plus « onirique » ou « joueuse » où elle intervient alors dans le réel, met en scène et explore la question du portrait et de l’autre fantasmé. Elle provoque alors le réel pour faire récit. Interrogeant des inconnus choisis au hasard, un cartomancien pour faire également le portrait de cet oncle.
A nous alors de trouver l’équilibre entre un récit documentaire plus classique et une matière et une orientation plus « fictionnelle ». Cela a été un enjeu narratif intéressant, c’est un des aspect de son travail que je trouve pour ma part passionnant à mettre en place, c’est notamment pour cela que j’ai à coeur de l’accompagner."









Les derniers focus

Appels en cours